Mettre son fonds de commerce en location-gérance

Plutôt que l’exploiter lui-même, le propriétaire d’un fonds de commerce peut choisir de le mettre en location-gérance. Il en confie ainsi la gestion à une personne qui va l’exploiter à ses risques et périls moyennant paiement d’une redevance. Présentation des principales caractéristiques de ce mode d’exploitation d’un fonds de commerce.

La conclusion du contrat de location-gérance La mise d’un fonds de commerce en location-gérance est soumise à des conditions particulières.

Pour pouvoir donner son fonds de commerce en location-gérance, le propriétaire, personne physique ou personne morale, doit l’avoir exploité pendant au moins 2 ans, et ce par lui-même s’il s’agit d’une personne physique.

Toutefois, il existe un certain nombre de cas de dispense. Ainsi, notamment, l’obligation d’avoir exploité le fonds de commerce pendant 2 ans ne s’impose pas aux héritiers d’un commerçant décédé, au conjoint attributaire du fonds de commerce à la suite de la dissolution du régime matrimonial lorsque ce conjoint a participé à son exploitation pendant au moins 2 ans avant la dissolution du régime matrimonial ou encore aux mandataires de justice chargés de l’administration d’un fonds de commerce.

En outre, la durée de 2 ans peut être réduite, voire totalement supprimée, par ordonnance du président du tribunal de grande instance rendue sur simple demande du propriétaire du fonds lorsque ce dernier justifie qu’il est dans l’impossibilité d’exploiter personnellement le fonds (ou par l’intermédiaire de ses salariés). Ainsi, une dispense sera généralement accordée par le juge lorsque, par exemple, l’état de santé de l’intéressé ne lui permet pas d’en poursuivre l’exploitation.


Attention : lorsqu’une telle dispense est accordée, elle ne vaut que pour un seul contrat de location-gérance, sauf si les juges décident qu’elle sera définitive. Ainsi, le propriétaire du fonds doit réitérer sa demande de dispense avant la conclusion de tout autre contrat de location-gérance.

Lorsqu’un contrat de location-gérance est consenti alors que le propriétaire du fonds ne l’a pas exploité pendant 2 ans, ce contrat est nul. Et cette nullité entraîne même la perte du droit au renouvellement du bail commercial lorsque les locaux dans lesquels le fonds est exploité sont loués.

Autre condition pour consentir une location-gérance : si le loueur est titulaire d’un bail commercial qui lui impose d’exploiter personnellement le fonds, il doit demander au bailleur, propriétaire des murs, l’autorisation de conclure l’opération.

S’agissant des formalités de publicité, le contrat de location-gérance doit être publié dans les 15 jours qui suivent sa conclusion sous la forme d’un extrait ou d’un avis inséré dans un journal d’annonces légales.

À noter que le locataire-gérant doit, s’il n’était pas déjà immatriculé, demander son immatriculation au registre du commerce et des sociétés dans les 15 jours qui suivent la date de début de son activité.


Attention : la location-gérance doit porter sur un fonds de commerce. Ainsi, il ne peut pas y avoir de location-gérance si l’un des éléments qui compose un fonds de commerce fait défaut, en particulier s’il n’existe pas de catèle.

Les effets du contrat de location-gérance Par la location-gérance, le propriétaire d’un fonds de commerce en confie l’exploitation à un locataire-gérant qui va pouvoir l’exploiter à ses risques et périls.

Propriétaire du fonds de commerce et locataire-gérant ont tous deux des droits et obligations l’un envers l’autre.

Droits et obligations du propriétaire du fonds

On l’a dit, donner son fonds de commerce en location-gérance consiste à le faire exploiter par une autre personne tout en restant propriétaire de celui-ci. Avantage de l’opération : le propriétaire du fonds (le loueur) perçoit un revenu (la redevance) sans exercer l’activité.

En revanche, il prend le risque de subir les conséquences d’une éventuelle mauvaise gestion du locataire (moins-value).

Quoiqu’il en soit, le propriétaire du fonds de commerce ne doit pas s’immiscer dans la gestion de celui-ci, même si elle se révèle mauvaise. Il est également tenu de garantir la jouissance paisible du fonds et doit s’abstenir d’exercer une activité concurrente de celle du locataire. Et bien entendu, en amont, il doit remettre au locataire tous les biens qui sont visés dans le contrat, et en particulier ceux qui sont indispensables à l’exercice de l’activité (matériel, marques et brevets, savoir-faire…).

Si le fonds de commerce est exploité dans des locaux loués, le propriétaire du fonds de commerce reste titulaire du bail commercial. C’est lui qui doit donc respecter les obligations nées du bail (paiement du loyer…).

Il reste également tenu des obligations qu’il a contractées avant la conclusion du contrat de location-gérance.

Quant à ses créanciers, ils sont en droit, s’ils estiment que la location-gérance risque d’entraîner une dépréciation du fonds, de demander au juge de déclarer leurs créances immédiatement exigibles, c’est-à-dire d’en réclamer le paiement immédiat. Cette demande devant être faite dans les 3 mois à compter de la publication du contrat de location-gérance dans un journal d’annonces légales.


À noter : jusqu’à présent, consentir une location-gérance présentait un gros inconvénient. En effet, le loueur du fonds de commerce était solidairement responsable du paiement des dettes contractées par le locataire-gérant pendant les 6 premiers mois de son activité. La récente loi Sapin II du 9 décembre 2016 a supprimé cette solidarité : désormais, à compter de la publication du contrat, le locataire-gérant est seul responsable du paiement des dettes qu’il contracte dans le cadre de l’exploitation du fonds.

Droits et obligations du locataire-gérant

De son côté, la location-gérance permet au locataire d’exploiter, à ses risques et périls, un fonds de commerce sans l’acheter, ou de tester la viabilité d’un fonds avant d’envisager de l’acquérir. Mais n’étant pas propriétaire, il ne profitera pas de la plus-value qu’il apportera au fonds grâce à son travail (sauf le contrat prévoit le contraire).

Au titre des obligations qui lui incombent, le locataire-gérant est tenu d’exploiter le fonds de commerce conformément à sa destination, sauf clause contraire. Le contrat peut même lui imposer de se consacrer exclusivement à l’exploitation du fonds et donc lui interdire d’exploiter un autre fonds.

Le locataire-gérant doit évidemment verser un loyer, appelé redevance, au propriétaire. Son montant peut être fixe ou, au contraire, proportionnel au chiffre d’affaires ou aux bénéfices, ce qui est souvent le cas. Cette redevance étant payée selon la périodicité prévue par le contrat (mois, trimestre…). Il peut également être tenu d’entretenir le fonds (bon état des locaux…) si le contrat met cette obligation à sa charge.

Dans ses rapports avec ses créanciers, le locataire-gérant est désormais, dès le début de son activité, seul responsable des dettes contractées à l’occasion de l’exploitation du fonds, la solidarité du loueur dans les 6 premiers mois ayant été supprimée par la loi (v. ci-dessus).

La fin de la location-gérance À la fin du contrat, le locataire-gérant doit restituer le fonds de commerce à son propriétaire.

Le contrat de location-gérance peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Dans le premier cas, il prend fin à l’arrivée du terme prévu (sauf reconduction), étant précisé que le locataire-gérant ne bénéficie pas d’un droit de renouvellement. Dans le second cas, le contrat peut être résilié par l’une ou l’autre des parties à tout moment, sous réserve que cette résiliation ne soit pas abusive. Le locataire-gérant ne pouvant, en principe, prétendre à aucune indemnité en fin de contrat.


À noter : le contrat de location-gérance peut également faire l’objet d’une résiliation judiciaire lorsque l’une ou l’autre des parties ne remplit pas ses obligations.

Lorsque le contrat prend fin, le locataire-gérant doit restituer le fonds de commerce à son propriétaire, avec tous les éléments dont il était composé avant la conclusion du contrat.

La fin de la location-gérance doit donner lieu à publicité dans un journal d’annonces légales.


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