La loi du 31 juillet 2014 a instauré un droit d’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise afin de les inciter à s’en porter acquéreurs.L’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif, programmée au 1 novembre 2014, devait être précédée d’un décret d’application. Ce décret a été signé le 28 octobre dernier. Le ministère de l’Économie et des Finances l’a accompagné d’un guide pratique disponible sur son site Internet.
Les entreprises concernées
Le droit d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise concerne :
À noter : pour cette seconde catégorie, les critères cumulatifs indiqués sont appréciés au niveau de l’entreprise elle-même, indépendamment de son rattachement éventuel à un groupe.
Les opérations concernées
Le nouveau dispositif s’applique aux cessions :
À noter : la cession d’un fonds artisanal n’est pas visée. Dans son guide pratique, le ministère de l’Économie et des Finances précise que seule est déterminante pour l’application du régime du droit à l’information préalable la nature du fonds (de commerce ou artisanal) et non l’inscription de l’exploitant au Registre du commerce et des sociétés ou au Répertoire des métiers.
– d’une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une SARL ;
À noter : selon le guide pratique du ministère de l’Économie et des Finances, la cession d’un bloc minoritaire d’actions ou de valeurs mobilières entre actionnaires conférant la majorité du capital n’entre pas, quant à elle, dans le champ d’application du dispositif d’information préalable.
Dans le cadre du dispositif d’information préalable des salariés, la notion de cession est très largement entendue. Le guide pratique du ministère de l’Économie et des Finances précise, en effet, qu’est une cession « toute opération juridique par laquelle une personne transmet la propriété d’un bien à une autre personne (…). Une opération de cession peut donc être notamment une vente, une donation, une dation en paiement, une transaction, une fiducie, un échange ou un apport en société ».
Précisions importantes : le guide pratique du ministère de l’Économie et des Finances précise par ailleurs que :
Sont concernées par le nouveau dispositif toutes les cessions conclues depuis le 1
À noter : par exception cependant, les cessions intervenant à l’issue d’une négociation exclusive organisée par voie contractuelle ne sont pas soumises au droit d’information préalable si le contrat de négociation exclusive a été conclu avant le 1
Les opérations exclues
À noter : doit donc être exclu le transfert résultant de la fusion ou d’une scission de sociétés ou d’un apport partiel d’actif soumis au régime des scissions, puisqu’il implique une transmission universelle de patrimoine à la société bénéficiaire.
– les donations et libéralités consenties dans le cadre familial (c’est-à-dire les donations et libéralités consenties au profit du conjoint, d’un ascendant ou d’un descendant) ;
À noter : pour le ministère de l’Économie et des Finances, ces différentes opérations ne sont pas des cessions.
– les cessions intervenant dans le cadre d’une succession ou d’une liquidation du régime matrimonial
Les salariés bénéficiaires de l’information
Tous les salariés de l’entreprise doivent être informés du projet de cession, y compris les salariés en congé maladie ou en congé maternité, ainsi que les apprentis même s’ils ne sont pas comptabilisés pour le calcul de l’effectif de l’entreprise au sens de l’article L. 1111-3 du Code du travail.
En revanche, n’ont pas à être informés : les intérimaires, les personnes travaillant dans le cadre d’un stage conventionné ou les demandeurs d’emploi participant à des actions d’évaluation en milieu de travail, sous forme de stage prescrit par Pôle emploi.
Délai pour informer les salariés
Les conditions du droit d’information préalable se traduisent par la fixation d’un délai minimal et d’un délai maximal de réalisation de la cession. Ces conditions de délai diffèrent selon la taille de l’entreprise concernée.
Dans les entreprises de moins de 50 salariés et dans les entreprises comptant entre 50 et 249 salariés qui ne sont pas dotées de représentants du personnel et qui ont établi un procès-verbal de carence, les salariés doivent être informés du projet de cession au plus tard 2 mois avant la réalisation de la cession. Autrement dit, la cession du fonds de commerce ou des titres ne peut intervenir avant un délai de 2 mois après que tous les salariés ont été informés de l’intention du propriétaire de céder le fonds ou les titres concernés. Toutefois, la cession peut intervenir avant l’expiration de ce délai de 2 mois lorsque tous les salariés ont fait part, de manière explicite et non équivoque, de leur décision de ne pas présenter d’offre d’achat.
Précision : l’information des salariés doit être faite :
Dans les entreprises de 50 salariés ou plus qui sont dotées de représentants du personnel, le propriétaire du fonds de commerce ou des titres informe les salariés au plus tard au moment où le comité d’entreprise est saisi pour avis sur le projet de cession.
Toutefois, si le propriétaire du fonds de commerce ou des titres n’est pas l’exploitant ou le représentant légal de la société, il doit notifier sa décision de céder à l’exploitant ou au représentant légal qui doit ensuite en informer les salariés au plus tard au moment où le comité d’entreprise est saisi pour avis sur le projet de cession.
À noter : ici, le délai minimal de réalisation de la cession suit la procédure de consultation obligatoire du comité d’entreprise.
Une fois tous les salariés informés, le cédant dispose d’un délai maximal de 2 ans pour réaliser la cession. Sachant que si, dans ce délai, le projet de cession ayant déclenché la procédure d’information n’aboutit pas mais qu’un nouveau projet de cession est lancé, il ne sera pas exigé d’engager une nouvelle procédure d’information à destination des salariés.
Forme de l’information
Les salariés peuvent être informés du projet de cession par tout moyen et notamment :
En pratique : si le salarié ne retire pas le pli ou s’il le refuse, l’employeur devra recourir à un autre procédé (par exemple : remise en main propre contre récépissé).
– par acte extrajudiciaire (acte d’huissier en particulier) ;
Droit des salariés à être assistés
Pour les aider dans leur prise de décision et, le cas échéant, afin de pouvoir présenter une offre de reprise, les salariés peuvent se faire assister par toute personne de leur choix et en particulier par un professionnel du conseil (avocat, expert-comptable…), par une banque, la CCI régionale, la chambre de l’agriculture, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, etc.
Lorsqu’il se fait assister, le salarié doit en informer le chef d’entreprise dans les meilleurs délais. La personne qui l’assiste est tenue à une obligation de confidentialité en ce qui concerne les informations qu’elle reçoit.
Contenu de l’information transmise
L’information à transmettre aux salariés se limite :
La loi n’impose la communication d’aucune autre information ni d’aucun document relatif au fonctionnement, à la comptabilité ou à la stratégie de l’entreprise encore moins au prix.
Important : les salariés sont tenus à un devoir de discrétion s’agissant des informations délivrées sur les projets de cession dans les mêmes conditions que celui imposé au comité d’entreprise, sauf à l’égard des personnes dont ils sollicitent le concours pour leur permettre de présenter une offre d’achat. Ces personnes sont elles-mêmes soumises à une obligation de confidentialité. Cette obligation de confidentialité peut d’ailleurs s’ajouter au devoir de secret professionnel qui s’impose à certaines catégories professionnelles.
Limites du droit à l’information préalable
Le droit à l’information préalable des salariés n’est qu’un droit à l’information. Il ne donne à ces derniers aucun droit de préférence ou de préemption. Et les dirigeants d’entreprise ne sont nullement tenus d’accepter les offres de rachat qui seraient présentées par les salariés suite à l’information préalable, ni même d’examiner ces offres ou d’y répondre.
Le refus du cédant d’examiner une offre de rachat ou de l’accepter n’a d’ailleurs pas à être motivé.
La cession réalisée en méconnaissance du droit d’information préalable des salariés (absence totale d’information, information tardive ou incomplète) peut être annulée.
Précision : seuls peuvent agir en nullité de la cession les salariés employés dans l’entreprise au moment où l’information aurait dû être donnée.
Sachant que la nullité est facultative, le juge saisi pouvant toujours décider de ne pas la prononcer (le guide pratique du ministère de l’Économie précise en outre que la méconnaissance du droit d’information préalable des salariés ne constitue pas un délit d’entrave).
L’action en nullité se prescrit dans un délai de 2 mois à compter :
Tant que la cession du fonds n’a pas été publiée ou que tous les salariés n’ont pas été informés de la cession des titres, le délai de prescription ne court pas.
Important : le guide pratique du ministère de l’Économie et des Finances précise que dans le cas d’une cession de titres, une seconde information devra être adressée aux salariés une fois la cession réalisée, afin de faire courir le délai de prescription de 2 mois.
En plus du droit d’information préalable en cas de cession, les salariés devront être informés périodiquement des possibilités de reprise de l’entreprise.
Cette information doit être organisée au moins une fois tous les 3 ans et doit porter, en particulier, sur les conditions juridiques de la reprise par les salariés, sur ses avantages et ses difficultés, ainsi que sur les dispositifs d’aide dont ils peuvent bénéficier.
Le contenu et les modalités de cette information doivent être définis par un prochain décret.
Guide pratique « Droit d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise »
© Les Echos Publishing 2014