Au fait, c’est quoi une ordonnance ?

Éclairage sur la définition et sur le processus d’adoption d’une ordonnance.

Ce n’est pas une surprise car Emmanuel Macron l’avait annoncé pendant la campagne présidentielle : la fameuse réforme du Code du travail interviendra non pas sous la forme d’une loi, mais d’ordonnances. Mais au fait, savez-vous vraiment ce qu’est une ordonnance ?

La définition de l’ordonnance

La Constitution de la Ve République prévoit que certains sujets précisément définis dépendent du domaine de la loi, les autres relevant du domaine du règlement (décrets, arrêtés). Autrement dit, les mesures qui sont du ressort de la loi doivent être votées par le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) tandis que les autres peuvent être prises directement par le gouvernement. Toutefois, ce dernier peut demander au Parlement de l’autoriser à prendre lui-même des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi. Ces actes sont alors appelés des « ordonnances ».


Précision : le domaine de la loi recouvre de très nombreux sujets tels que les régimes de retraite, l’assurance chômage, l’éducation, la fiscalité, l’immigration, les emplois publics, la politique pénale, la défense nationale ou encore le droit du travail.

La procédure d’adoption d’une ordonnance

Pour pouvoir « légiférer » par ordonnance, le gouvernement doit donc y être autorisé par le Parlement. Cette autorisation lui est donnée par une loi, dite « d’habilitation », qui fixe le champ d’application de l’ordonnance envisagée. Une fois cette loi votée par les deux chambres (Assemblée nationale et Sénat), le gouvernement peut rédiger son ordonnance. En pratique, elle est adoptée en Conseil des ministres, puis signée par le président de la République et publiée au Journal officiel. Elle peut alors entrer en application.

Mais attention, la procédure n’est pas terminée pour autant. Un projet de loi, dit « de ratification », doit encore être déposé devant le Parlement avant la date limite fixée par la loi d’habilitation. Si ce projet est approuvé par le Parlement, l’ordonnance est ratifiée et acquiert force de loi. Dans le cas contraire (ou si le projet de loi de ratification n’est pas déposé dans le délai imparti), l’ordonnance devient caduque (c’est-à-dire qu’elle n’est plus valable).

L’intérêt de recourir aux ordonnances

Le recours aux ordonnances permet à un gouvernement de mettre en œuvre rapidement certaines mesures de son programme. En effet, le texte ne passant ni par l’Assemblée nationale ni par le Sénat, il évite les débats, parfois interminables, qui ont lieu en commission et dans les hémicycles ainsi que les différents examens par les deux assemblées (« navettes parlementaires »).

Les ordonnances : une pratique très courante
Les gouvernements qui se sont succédés sous la Ve République ont très souvent légiféré par voie d’ordonnance. Ainsi, plus de 500 ordonnances ont été publiées depuis 1960. Parmi les plus célèbres, on se souvient notamment de celles, prises en 1982 sous la présidence de François Mitterrand, instituant les 39 heures et abaissant l’âge de départ à la retraite à 60 ans. Et aussi des fameuses ordonnances d’Alain Juppé de 1996 prises pour faire passer sa réforme très contestée de la Sécurité sociale.


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Agir en justice de façon abusive ou dilatoire peut être sanctionné

Celui qui intente une action en justice de manière abusive ou dilatoire encourt une amende de 10 000 €.

Une action en justice abusive ou dilatoire peut être sanctionnée par une amende civile dont le montant maximal est porté de 3 000 € à 10 000 € depuis le 11 mai dernier. Cette amende, infligée par le juge, est versée à l’État, pas à la partie adverse.


Précision : des dommages et intérêts peuvent être dus à la personne assignée abusivement ou de façon dilatoire en fonction du préjudice qu’elle a subi en raison de la procédure.

La même sanction est encourue par la personne qui fait appel d’un jugement de façon dilatoire ou abusive, ou par celle qui se pourvoit en cassation et qui succombe dans son pourvoi ou dont le pourvoi n’est pas admis, lorsque son recours est jugé abusif.

En pratique, c’est à la personne poursuivie qu’il revient de démontrer qu’elle l’a été à tort et par pure malveillance, ce qui n’est pas chose aisée. Le plus souvent, il conviendra d’établir l’intention de nuire ou la mauvaise foi de l’auteur de l’action.


Exemple : par le passé, les juges ont estimé qu’il y avait eu abus et procédure abusive lorsque le demandeur au procès avait cherché, par son action, à tirer profit d’un gain qu’il savait ne pas être le sien (Cassation chambre mixte, 6 novembre 2002).


Art. 67, décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, JO du 10


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La constitution de sociétés pluri-professionnelles d’exercice est possible !

Les professionnels du droit et du chiffre peuvent désormais se regrouper au sein de sociétés pluri-professionnelles d’exercice.

On se souvient qu’une ordonnance du 31 mars 2016, prise en application de la fameuse loi « Macron » du 6 août 2015, avait créé une nouvelle forme de société : la société pluri-professionnelle d’exercice (SPE). Rappelons que la SPE a pour objet l’exercice au sein d’une même structure de plusieurs professions libérales réglementées, à savoir celles d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur ou de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable.

Mais en pratique, la faculté de constituer des sociétés de ce type était subordonnée à la publication d’un décret général d’application, ainsi que de décrets propres à chacune des professions concernées. C’est désormais chose faite. Depuis le 8 mai dernier, les professionnels du droit et du chiffre peuvent donc constituer entre eux une SPE et y exercer en commun l’exercice de leur profession respective.

Une société de toute forme

Rappelons qu’une SPE peut revêtir la forme d’une société d’exercice libéral (Sel), d’une société civile ou d’une société commerciale (SARL, SAS, SA), mais pas celle d’une société conférant à ses membres la qualité de commerçant (société en nom collectif, société en commandite). Elle doit comprendre, parmi les associés, au moins un membre de chacune des professions qu’elle exerce et qui constitue son objet social. L’ensemble du capital et des droits de vote d’une SPE doit être détenu par des personnes physiques exerçant l’une des professions exercées en commun dans la société ou par des sociétés dont le capital et les droits de vote sont détenus en totalité par ces personnes physiques.

Sans entrer dans le détail des dispositions techniques qu’il introduit, le décret récemment paru précise les règles de constitution, de fonctionnement et de liquidation de la SPE (nomination et inscription, obligation d’information des autorités compétentes, cessation d’exercice d’une profession par la société ou par un associé, perte de la qualité d’associé, suspension ou retrait d’agrément, liquidation), les modalités selon lesquelles les professionnels exercent leur activité au sein de la société (contrat conclu avec le cat), la nature des contrôles dont la société fait l’objet par les ordres et les autorités administratives, les contraintes en matière de tenue de la comptabilité et de présentation des comptes et enfin les obligations en termes d’assurance.


Précision : par dérogation à la règle de l’unanimité normalement exigée dans ce cas, la décision des associés d’une société civile professionnelle (SCP) de la transformer en SPE (ou de la faire participer à la constitution d’une SPE) sera prise à la majorité des ¾ des voix (à la majorité des 2/3 pour les sociétés d’avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat), combinées, dans le cas d’une société d’huissiers de justice, à une condition de part du capital détenue.


Décret n° 2017-794 du 5 mai 2017, JO du 7


Décret n° 2017-795 du 5 mai 2017, JO du 7


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