Attribution de l’exploitation agricole à un héritier

Lors d’une succession, une exploitation agricole peut être attribuée de droit à l’héritier qui la met en valeur dès lors que sa superficie, ajoutée à celle des parcelles dont ce dernier est déjà propriétaire, ne dépasse pas le seuil fixé dans le département considéré.

Lors du règlement d’une succession, l’héritier ou le conjoint survivant qui participe à la mise en valeur de l’exploitation agricole laissée par le défunt a le droit de se faire attribuer celle-ci, même contre la volonté des autres héritiers, quitte à indemniser ces derniers, s’il y a lieu, en leur versant une soulte. On parle « d’attribution préférentielle ». L’attribution préférentielle met ainsi fin à l’indivision qui naît à la suite du décès du propriétaire.

En pratique, l’attribution préférentielle est demandée au tribunal qui se prononce au regard des intérêts en présence et de l’aptitude du demandeur à gérer l’exploitation et à s’y maintenir.

Attribution de droit

Sachant que l’attribution de l’exploitation à l’héritier ou au conjoint qui la met en valeur s’impose au tribunal (elle est donc « de droit ») lorsque sa superficie est inférieure à un seuil fixé par décret dans chaque département. Et, selon les juges, pour apprécier cette superficie, il faut tenir compte de celle de l’exploitation objet de la demande, à laquelle il faut ajouter celle des parcelles dont le demandeur est déjà propriétaire. En revanche, les parcelles louées par ce dernier doivent être exclues du calcul.

Ainsi, dans cette affaire, les juges ont estimé qu’une exploitation d’une superficie de 16 ha mise en valeur par le fils de son propriétaire devait, au décès de ce dernier, lui être attribuée car le seuil départemental, fixé à 60 ha, n’était pas dépassé en ajoutant les 34 ha qu’il possédait déjà (16 + 34  = 50 ha). Peu importait la surface qu’il exploitait en location et qui portait la superficie totale à environ 100 ha.


Cassation civile 3e, 22 mars 2018, n° 16-254052


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Transport impayé de marchandises

L’un de mes fournisseurs, qui vient d’être placé en redressement judiciaire, n’a, semble-t-il, pas payé un certain nombre de prestations de transport de marchandises que je lui ai achetées. Du coup, l’entreprise de transport me réclame, en ma qualité de destinataire de ces marchandises, le paiement des factures impayées. En a-t-elle le droit ?

Oui, car la loi (l’article L 132-8 du Code de commerce, pour être précis), très protectrice des intérêts des transporteurs, dispose que l’expéditeur comme le destinataire des marchandises sont garants du paiement du prix au transporteur, aucune clause ne pouvant prévoir le contraire. Ce dernier peut donc agir en paiement directement contre vous. Et ce, sans même avoir à justifier préalablement de la défaillance de l’expéditeur ni à déclarer sa créance au passif de la procédure de redressement judiciaire dont l’expéditeur fait l’objet.

Bon à savoir, le transporteur doit agir en paiement dans le délai d’un an, ce qui est très court. Certaines des factures qu’il vous demande de payer sont peut-être prescrites. À vérifier !


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Un Français sur trois seulement déclare avoir préparé son départ à la retraite

Les Français font preuve d’une certaine inquiétude vis-à-vis de leur retraite. Mais, selon une enquête, peu d’entre eux ont pris des dispositions pour compléter leurs pensions de retraite.

La retraite est un sujet de préoccupation majeure pour bon nombre de Français. Un sujet sur lequel s’est penché l’assureur Mercer au travers d’une enquête portant sur l’épargne retraite et salariale en France. Cette enquête nous apprend notamment que 70 % des personnes interrogées craignent une perte importante de leur pouvoir d’achat une fois qu’elles seront à la retraite. Paradoxe, 35 % (âgés de 50 ans et plus) d’entre elles seulement déclarent avoir pris des dispositions pour compenser une éventuelle perte de revenus. Et 32 % comptent agir en fin de carrière seulement. Chez les moins de 30 ans, le sujet ne préoccupe que 17 % d’entre eux.

S’agissant des moyens qu’elles comptent mettre en œuvre pour compléter leurs revenus au moment de la retraite, les personnes interrogées plébiscitent les investissements en immobilier. 83 % d’entre elles estiment qu’être propriétaire de sa résidence principale est le meilleur moyen de préparer sa retraite. Viennent ensuite les plans d’épargne retraite (67 %) et les contrats d’assurance-vie (59 %). Et 21 % des sondés ont déjà souscrit un dispositif individuel de retraite (Perp, contrat Madelin, par exemple).

Fait marquant, près de la moitié des sondés se dit prête à cotiser plus longtemps pour améliorer le montant de sa retraite. En revanche, 38 % se disent opposés à un recul de l’âge minimum légal de départ en retraite.


Mercer – Enquête Les Français face à leur retraite, novembre 2018


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Pensez à faire signer vos devis !

En matière de prestation de services, le professionnel a tout intérêt à établir un devis et à le faire signer par son client afin de s’assurer d’être payé pour les travaux effectués.

Lorsqu’un cat vous commande la réalisation d’une prestation, il est essentiel que vous vous mettiez d’accord avec lui sur le prix de celle-ci et que vous puissiez en apporter la preuve ultérieurement en cas de litige. Cette preuve peut prendre plusieurs formes selon la prestation à fournir : ordre de réparation, devis ou bon de commande. L’important étant de faire signer ce document par le cat.


Précisions : dès lors que le montant d’une prestation de services dépasse 1 500 €, celle-ci doit faire l’objet d’un écrit. Par ailleurs, pour certains types de prestations (travaux et dépannage, services à la personne…) et, parfois sous certaines conditions de montant, l’établissement d’un devis est obligatoire.

À défaut, votre cat pourrait contester le fait de vous avoir donné son accord sur les travaux envisagés et leur montant. Un artisan a bien failli ainsi ne pas être payé pour des travaux réalisés chez un particulier. En effet, après avoir démoli et construit un pilier de portail, il avait envoyé la facture correspondante au cat. Mais celui-ci avait refusé de la payer, prétextant qu’il n’avait pas signé le devis établi par l’artisan et qu’il ne lui avait donc pas donné son accord pour engager les travaux. Ce n’est que 2 ans et demi après les faits, et devant la Cour de cassation, que le litige a été tranché : les juges ont finalement donné raison à l’artisan après avoir relevé que le particulier avait utilisé le poteau litigieux et y avait fixé son portail. Pour eux, il avait donc accepté sans équivoque les travaux. Conclusion : sans cette acceptation tacite, l’artisan n’aurait pas obtenu gain de cause. Avec un devis signé, il aurait pu apporter plus facilement la preuve de l’accord du cat, voire éviter de porter l’affaire en justice.


Cassation civile 3e, 4 octobre 2018, n° 17-24287


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Quel délai pour demander l’annulation d’une assemblée générale d’associés ?

L’action en justice pour demander l’annulation d’une délibération d’assemblée générale d’associés doit être engagée dans un délai de 3 ans, sauf dissimulation.

La loi prévoit que l’action en nullité des délibérations d’une assemblée générale d’une société doit être intentée dans un délai de 3 ans à compter du jour où elles sont prises. Sauf, vient de préciser la Cour de cassation, en cas de dissimulation ayant entraîné une impossibilité d’agir.

Mais quand y a-t-il dissimulation ? Dans cette affaire, les juges ont estimé que le fait pour des associés de ne pas avoir été convoqués aux assemblées générales ne suffit pas à établir qu’elles leur ont été dissimulées. Ainsi, ces associés n’ont pas été recevables à demander, en 2012, l’annulation des assemblées qui s’étaient tenues plus de 3 ans auparavant, même s’ils faisaient valoir qu’ils n’y avaient pas été convoqués et qu’ils n’avaient appris leur tenue qu’en janvier 2011.


Observation : pour que la dissimulation soit établie, il aurait fallu que la tenue des assemblées générales ait été volontairement cachée aux associés, ce qui n’était pas démontré ici.


Cassation commerciale, 26 septembre 2018, n° 16-13917


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Associations : avez-vous protégé les données personnelles de vos membres ?

Les associations doivent prendre les mesures nécessaires pour protéger les données personnelles qui lui sont confiées, au risque de se voir sanctionner par la Cnil.

Deux associations viennent d’être condamnées à de lourdes peines d’amendes par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) pour ne pas avoir suffisamment sécurisé les données personnelles de leurs bénéficiaires.

Dans la première affaire, une association mettait à la disposition de personnes en difficulté des logements dans des résidences et foyers. Or la Cnil avait constaté qu’il était possible, à partir du site Internet de l’association, d’accéder à des documents fournis par les demandeurs de logements et comportant des données sensibles (passeport, carte nationale d’identité, bulletins de salaire…). Pour cela, il suffisait de changer un mot présent dans l’URL d’une demande de logement affichée dans le navigateur. De plus, une recherche faite à partir de Google et incluant le nom du site Internet de l’association et les mots « pdf impot » permettait d’obtenir les avis d’imposition des bénéficiaires.

Ces manquements ont amené la Cnil à prononcer une sanction de 75 000 € contre l’association. Une sanction sévère justifiée par la nature particulièrement sensible des données auxquelles il était possible d’accéder (salaire, revenu fiscal de référence, date de naissance, numéro de Sécurité sociale, adresse…) et par le nombre de personnes et de documents visés (plusieurs centaines).

Par ailleurs, la Cnil a considéré que ces failles, qui permettaient à toute personne extérieure, même sans connaissance technique particulière, d’accéder aux documents des bénéficiaires, auraient pu être évitées en mettant en place des mesures élémentaires de sécurité ne requérant pas de développements importants ni coûteux.

Dans la seconde affaire, la Cnil avait constaté qu’il était possible, en modifiant une URL, de télécharger des dizaines de milliers de documents (factures, certificat d’inscription à un stage…) à partir du site Internet d’une association qui dispensait des cours de français. Des documents comportant tous un nom et un prénom, et parfois, une adresse postale et une nationalité.

Pour ne pas avoir mis en place les mesures de sécurité suffisantes pour protéger les données personnelles de ses élèves, l’association a été condamnée à une amende de 30 000 €. Pour la Cnil, le défaut de sécurité pouvait être facilement corrigé par l’association et cette faille pouvait être exploitée par des personnes n’ayant aucune compétence informatique. De plus, l’association, qui avait été prévenue début décembre 2017 de ce problème, n’y avait mis fin que 3 mois plus tard. Enfin, elle a rappelé que l’association, en tant que responsable de traitement, ne pouvait invoquer les fautes de son sous-traitant pour se dédouaner.


À savoir : prenant en considération le « contexte actuel dans lequel se multipat les incidents de sécurité et la nécessité de sensibiliser les responsables de traitement et les internautes quant aux risques pesant sur la sécurité des données », la Cnil a décidé de publier ces deux décisions.


Délibération n° SAN-2018-003 du 21 juin 2018


Délibération n° SAN-2018-010 du 6 septembre 2018


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L’UFC-Que Choisir épingle les plateformes de crowdlending

Selon une enquête de l’UFC-Que Choisir, près d’une entreprise sur dix, financée sur les plateformes de crowdlending, ne rembourse plus ses échéances.

Coup dur pour les plateformes de crowdlending ! Une enquête de l’UFC-Que Choisir alerte sur les risques liés à ce mode de financement des entreprises faisant appel aux particuliers. Après avoir passé au crible les sept principales plateformes françaises sur une période allant de février 2017 à octobre 2018, l’association de consommateurs a constaté que près d’une entreprise financée sur dix (9,5 %) ne rembourse plus ses échéances, soit une hausse du taux de défaut de plus de 120 % depuis sa dernière étude sur la même thématique datant de février 2017.

Dans le détail, c’est la plateforme Lendopolis qui tient le haut du classement : 18,3 % des projets proposés ne sont plus remboursés (projets en défaut de plus de deux mois rapportés au nombre de projets restant à rembourser). Vient ensuite la plateforme Unilend (11,2 %), plateforme qui a d’ailleurs été placée en liquidation judiciaire le 17 octobre dernier.

Par ailleurs, l’UFC-Que Choisir s’est focalisée sur le rendement dégagé par ce type d’investissement. Selon elle, en se basant sur 293 prêts financés par la plateforme leader du marché (Lendix, rebaptisé récemment October), le rendement annuel net avoisinerait les 0,69 %. Une rentabilité proche de celui du Livret A… les risques de défaut en plus !

L’UFC-Que Choisir explique cette explosion des taux de défaut par le fonctionnement du modèle économique des plateformes. Ces dernières étant rémunérées exclusivement à la commission sur les montants prêtés, elles inciteraient à proposer au financement le nombre maximum d’entreprises, au détriment d’une analyse rigoureuse de leur solvabilité.


UFC-Que Choisir


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Quand un bail commercial est requalifié en bail rural

La location d’un ensemble immobilier affecté principalement, au moment de sa conclusion, à une activité d’élevage de chevaux est un bail rural, et non pas un bail commercial, quand bien même l’activité principalement exercée par la suite est une activité de centre équestre.

La mise à disposition à titre onéreux de terres ou de bâtiments à usage agricole en vue de les exploiter pour y exercer une activité agricole est un bail rural. Sachant qu’est une activité agricole toute production correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal. Ainsi, la location de terres ou de bâtiments affectés une activité d’élevage est un bail rural, l’élevage étant réputé constituer une activité agricole.

Au moment de la conclusion du bail

Application de ce principe vient d’être faite par les juges dans une affaire où une société avait pris en location, en vertu d’un bail commercial, un ensemble immobilier qui devait « servir exclusivement à l’élevage et en général à toutes activités équestres à l’exclusion de l’activité de centre équestre ou de poney-club ». Quelques mois plus tard, le propriétaire avait autorisé la société à exercer l’activité de poney-club et étendu le bail à un local et à un terrain. Lorsque la société avait été placée en redressement judiciaire, le contrat de bail avait été cédé à une autre société. Puis le propriétaire avait envoyé à cette dernière un congé portant refus de renouvellement du bail assorti d’une offre d’indemnité d’éviction. La société locataire avait alors contesté ce congé et demandé la requalification du contrat en bail rural.

Les juges lui ont donné gain de cause. En effet, pour eux, la qualification d’un bail s’apprécie à la date de sa conclusion, et non pas au jour de la délivrance du congé. Or, au moment de la conclusion, les lieux étaient exclusivement affectés à une activité d’élevage. Le bail était donc bel et bien un bail rural. Peu importe donc que l’activité principale ait évolué par la suite vers une activité d’entraînement et de sport équestre.


Cassation civile 3e, 6 septembre 2018, n° 16-20092


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Le locataire doit-il payer la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ?

La taxe d’enlèvement des ordures ménagères ne peut être mise à la charge du commerçant locataire que si le bail le prévoit expressément.

En matière de bail commercial, la loi prévoit que la taxe foncière (et ses taxes additionnelles) ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont le commerçant locataire bénéficie directement ou indirectement peuvent être mis à la charge de ce dernier. Ainsi en est-il, par exemple, de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

Mais encore faut-il que le bail le prévoie expressément ! Ainsi, dans une affaire récente, un commerçant avait agi en justice contre le bailleur afin qu’il lui restitue les sommes versées au titre de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Il a obtenu gain de cause car si le bail commercial mettait à sa charge « sa quote-part des charges, taxes et dépenses de toutes natures afférentes à l’immeuble », il ne mentionnait pas spécifiquement la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, laquelle ne constituait pas une charge afférente à l’immeuble. Le commerçant n’avait donc pas à la payer.


Cassation civile 3e, 13 septembre 2018, n° 17-22498


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Action de groupe des associations : quel est le rôle du juge de la mise en état ?

Le juge de la mise en état saisi d’une demande visant à annuler une action de groupe engagée par une association doit seulement vérifier que cette action expose les cas individuels sans se prononcer sur leur pertinence.

L’action de groupe consiste, pour une association, à enclencher une action en justice pour le compte de plusieurs victimes ayant subi un dommage causé par une même personne (société, autorité administrative…) et résultant d’un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles (victimes des effets secondaires d’un même médicament, par exemple). Des actions possibles dans les domaines de la santé, de la consommation, de l’environnement ainsi qu’en matière de discrimination et de protection des données personnelles.

La Cour de cassation vient de rendre son premier arrêt concernant une action de groupe. Cette décision tranche un point de procédure : elle précise les pouvoirs du juge de la mise en état lorsqu’il lui est demandé d’annuler une action de groupe au motif que celle-ci ne respecte pas la procédure exigée par la loi.

Dans cette affaire, une association de consommateurs avait intenté, devant le tribunal de grande instance, une action de groupe contre un souscripteur (une association d’épargnants) et un assureur pour obtenir le paiement de dommages-intérêts à des adhérents et des bénéficiaires de contrats d’assurance sur la vie.

Conformément à ce qu’exige le Code de la consommation, cette action exposait les cas individuels des consommateurs au nom desquels l’association agissait.

Pour autant, le souscripteur et l’assureur avaient saisi le juge de la mise en état afin que cette action soit annulée. Ils prétendaient, en effet, que les cas individuels présentés par l’association « n’étaient pas représentatifs du groupe et des types de cas sur la base desquels l’action était engagée ».

Mais, pour la Cour de cassation, le rôle du juge de la mise en état se limite à vérifier que l’action engagée par l’association expose expressément les cas individuels. En effet, il ne lui appartient pas d’en apprécier la pertinence. En conséquence, la Cour de cassation a confirmé la décision du juge de la mise en état de ne pas annuler l’action de l’association. Une action qui pourra donc continuer sa route et être jugée sur le fond.


Cassation civile 1re, 27 juin 2018, n° 17-10891


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