Liquidation judiciaire : quand la responsabilité du dirigeant est engagée

Le dirigeant d’une société mise en liquidation judiciaire, qui a commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, peut être condamné à combler une partie du passif.

Lorsqu’une société est mise en liquidation judiciaire, la responsabilité de son dirigeant peut être recherchée lorsqu’il a commis une faute de gestion ayant contribué à son insuffisance d’actif, c’est-à-dire quand l’actif de la société ne suffit pas à régler ses créanciers. Au terme de cette action, dite « en comblement de passif », le dirigeant peut alors être condamné à payer sur ses deniers personnels tout ou partie des dettes de la société.

Ainsi, dans une affaire récente, les juges ont estimé que le gérant d’une société de conseil mise en liquidation judiciaire avait commis des fautes de gestion en a direct avec l’insuffisance d’actif de la société. En effet, alors que les résultats de la société étaient très déficitaires et que son chiffre d’affaires se dégradait, il avait, d’une part, maintenu, voire augmenté, sa rémunération à un niveau très important qui représentait, charges incluses, le montant du chiffre d’affaires, et d’autre part, fait consentir des avances sur la trésorerie de la société au bénéfice d’une autre société qu’il dirigeait.

Plus précisément, les juges ont constaté que le chiffre d’affaires de la société réalisé au titre du dernier exercice avant la mise en liquidation judiciaire s’était élevé à 65 500 € seulement pour une perte de 100 800 € liée à des charges d’exploitation de 149 600 €, dont 51 000 € correspondant à la rémunération du gérant. Et que le bilan, au titre de ce même exercice, faisait apparaître une somme de 69 800 € inhérente aux avances consenties à l’autre société.

En conséquence, les juges ont condamné le gérant à payer la somme de 200 000 € en vue de combler une partie de l’insuffisance d’actif de la société (445 000 €).


Cassation commerciale, 28 juin 2017, n° 14-29936


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Les bénéficiaires effectifs d’une société doivent être déclarés !

Les sociétés doivent désormais déposer au greffe du tribunal de commerce un document désignant les personnes qui sont leurs bénéficiaires effectifs.

Une nouvelle formalité incombe aux sociétés non cotées : elles ont désormais l’obligation de déposer au greffe du tribunal de commerce, pour être annexé au registre du commerce et des sociétés (RCS), un document relatif à leur(s) bénéficiaire(s) effectif(s).


Précision : le(s) bénéficiaire(s) effectif(s) d’une société s’entend(ent) de toute personne physique qui détient, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de celle-ci ou, à défaut, de la personne physique qui exerce un contrôle sur les organes de direction, d’administration ou de gestion de cette société.

En pratique, le document à déposer au greffe du tribunal de commerce doit mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, nationalité et adresse personnelle des bénéficiaires effectifs, les modalités du contrôle qu’ils exercent sur la société et la date à laquelle ils sont devenus bénéficiaire effectif de la société.

Cette obligation s’impose d’ores et déjà aux nouvelles sociétés créées à compter du 1er août 2017, qui doivent donc déposer le document relatif au bénéficiaire effectif au moment de leur demande d’immatriculation, ou au plus tard dans les 15 jours à compter de la délivrance du récépissé de dépôt du dossier de création d’entreprise. Les sociétés existant avant cette date doivent y satisfaire avant le 1er avril 2018.


Précision : pour les nouvelles sociétés, le dépôt de ce document leur coûtera 19,76 €. Celles immatriculées avant le 1er août 2017 devront débourser 39,52 €.

Un nouveau document devra être déposé dans les 30 jours suivant tout fait ou acte rendant nécessaire la rectification ou le complément des informations qui y sont mentionnées.

Attention, le fait de ne pas déposer au registre du commerce et des sociétés le document relatif au bénéficiaire effectif ou de déposer un document comportant des informations inexactes ou incomplètes est passible de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende.


Décret n° 2017-1094 du 12 juin 2017, JO du 14


Arrêté du 1er août 2017, JO du 3


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Revendication de biens vendus avec réserve de propriété

Pour pouvoir revendiquer des biens vendus avec réserve de propriété, le vendeur doit démontrer que ces biens existent encore en nature chez l’acheteur lorsque ce dernier est placé en redressement judiciaire.

Lorsque des biens sont vendus avec réserve de propriété, le vendeur en demeure propriétaire, même s’ils ont été livrés, tant que l’acheteur n’a pas payé intégralement le prix. Et si ce dernier ne paie pas à l’échéance prévue, il a alors le droit de récupérer le bien en faisant appel à un huissier de justice.

Autre intérêt de la clause de réserve de propriété, si l’acheteur est placé en redressement ou en liquidation judiciaire, ou fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, le vendeur peut obtenir la restitution des biens en exerçant une action dite en revendication.

Mais attention, l’action en revendication ne peut aboutir que si les biens demeurés impayés existent encore en nature chez l’acheteur au moment de l’ouverture de la procédure collective.


Précision : les biens peuvent toutefois être revendiqués même lorsqu’ils ont été incorporés dans un autre bien dès lors que leur séparation peut s’effectuer sans dommage tant pour les biens eux-mêmes que pour le bien dans lequel ils ont été incorporés.

C’est ainsi que dans une affaire récente, un fournisseur, qui avait vendu des châssis et des blocs-portes avec réserve de propriété à une entreprise de construction placée ensuite en redressement judiciaire, n’a pas pu en obtenir la restitution car il s’est montré dans l’incapacité de prouver que ce matériel existait encore en nature chez cette dernière au moment de l’ouverture du redressement. En effet, si le constat d’huissier que ce fournisseur avait fait dresser sur un chantier de l’entreprise 3 jours après l’ouverture du redressement judiciaire mentionnait bien la présence de châssis, palettes de vitrage et portes doubles, il ne comportait ni description ni identification précises des éléments en cause, ni références permettant de rattacher ces matériaux à ceux fournis et réclamés par le fournisseur. Au contraire, l’entreprise de construction avait établi que les matériaux livrés par ce dernier avaient été mis en œuvre sur le chantier avant l’ouverture du redressement judiciaire.

Par conséquent, les juges ont estimé que la preuve de l’existence en nature des biens revendiqués au moment de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire n’était pas rapportée.


Cassation commerciale, 17 mai 2017, n° 15-27119


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Un professionnel ayant cessé son activité peut-il bénéficier d’un plan de redressement ?

Même s’il a cessé son activité, un professionnel libéral peut bénéficier d’un plan de redressement ayant pour seul objet l’apurement de ses dettes.

Un professionnel libéral, en l’occurrence une infirmière, qui avait cessé son activité, avait été placé en redressement judiciaire et présenté un plan de redressement. La cour d’appel avait ensuite prononcé sa liquidation judiciaire car, pour elle, le fait qu’il ait cessé son activité empêchait l’élaboration d’un plan de redressement ; car un plan de redressement doit tendre à permettre, non seulement l’apurement du passif, mais en même temps la poursuite de l’activité de l’entreprise et le maintien de l’emploi.


Rappel : la procédure de redressement judiciaire a vocation à donner lieu à un plan de redressement arrêté par un jugement à l’issue d’une période dite d’observation. Mais s’il s’avère que l’arrêté d’un plan de redressement n’est pas possible, le tribunal prononcera alors l’ouverture d’une liquidation judiciaire.

La Cour de cassation n’a pas été de cet avis : la cessation d’activité d’une personne physique ne fait pas obstacle à l’adoption d’un plan de redressement ayant pour seul objet l’apurement de son passif.


Observations : il convient de déduire de cette décision que si la procédure de redressement judiciaire a pour objet de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif, elle peut également être ouverte dans le but d’atteindre l’un ou deux de ces objectifs seulement. Et s’agissant d’un professionnel ayant cessé son activité, l’objectif ne peut être que l’apurement du passif.


Cassation commerciale, 4 mai 2017, n° 15-25046


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Mise en garde du banquier en cas d’emprunt souscrit par plusieurs personnes

Pour apprécier le risque d’endettement résultant d’un prêt souscrit par plusieurs emprunteurs, il faut prendre en compte l’ensemble des biens et des revenus de tous ces emprunteurs.

Lorsqu’un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l’existence d’un risque d’endettement excessif qui en découle doit s’apprécier au regard des capacités financières globales de ces coemprunteurs.

Un principe qui vient d’être rappelé par la Cour de cassation et qui signifie que la banque n’a pas l’obligation de mettre en garde les emprunteurs lorsque le prêt qu’elle leur accorde ne comporte pas de risque excessif d’endettement (c’est-à-dire une disproportion entre le financement octroyé et leurs facultés financières) compte tenu de l’ensemble des biens et des revenus dont ils disposent lors de son attribution.

Dans cette affaire, une femme, qui avait souscrit plusieurs prêts avec son mari pour financer la création d’une entreprise artisanale mise ensuite en liquidation judiciaire, avait reproché à la banque, lorsqu’elle lui a demandé de rembourser, de ne pas l’avoir mise en garde contre le risque d’endettement. En effet, elle faisait valoir que ce prêt était excessif car elle percevait un salaire mensuel de 1 500 € et que la charge du remboursement du prêt correspondait à plus de la moitié de ses revenus. Mais la Cour de cassation ne lui a pas donné raison.


Cassation commerciale, 4 mai 2017, n° 16-12316


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La faute de gestion du dirigeant de société en liquidation judiciaire

Le dirigeant d’une société mise en liquidation judiciaire ne peut voir sa responsabilité engagée pour insuffisance d’actif qu’au regard de sa gestion antérieure à l’ouverture de la procédure collective.

Lorsqu’une société est mise en liquidation judiciaire, la responsabilité de son dirigeant peut être recherchée lorsqu’il a commis une faute de gestion ayant contribué à son insuffisance d’actif (c’est-à-dire quand l’actif de la société ne suffit pas à régler ses créanciers). Au terme de cette action, dite « en comblement de passif », le dirigeant peut alors être condamné à payer sur ses deniers personnels tout ou partie des dettes de la société.

Étant précisé que seules les fautes de gestion commises avant l’ouverture de la procédure collective peuvent être retenues à l’encontre du dirigeant. Ce principe vient d’être réaffirmé par la Cour de cassation dans une affaire où le liquidateur d’une société avait engagé la responsabilité de son dirigeant pour insuffisance d’actif en lui reprochant d’avoir consenti sans explication, au cours de la procédure de redressement ayant précédé la mise en liquidation judiciaire, un abandon de créance au profit d’une entreprise et d’avoir accordé, après la liquidation judiciaire, un avoir non motivé en faveur d’une autre entreprise. En vain donc.


Précision : désormais, une simple négligence ne peut plus être retenue à l’encontre d’un dirigeant pour mettre en jeu sa responsabilité et lui faire payer personnellement une partie des dettes de la société.


Cassation commerciale, 22 février 2017, n° 15-17558


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La constitution de sociétés pluri-professionnelles d’exercice est possible !

Les professionnels du droit et du chiffre peuvent désormais se regrouper au sein de sociétés pluri-professionnelles d’exercice.

On se souvient qu’une ordonnance du 31 mars 2016, prise en application de la fameuse loi « Macron » du 6 août 2015, avait créé une nouvelle forme de société : la société pluri-professionnelle d’exercice (SPE). Rappelons que la SPE a pour objet l’exercice au sein d’une même structure de plusieurs professions libérales réglementées, à savoir celles d’avocat, d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire, d’administrateur ou de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d’expert-comptable.

Mais en pratique, la faculté de constituer des sociétés de ce type était subordonnée à la publication d’un décret général d’application, ainsi que de décrets propres à chacune des professions concernées. C’est désormais chose faite. Depuis le 8 mai dernier, les professionnels du droit et du chiffre peuvent donc constituer entre eux une SPE et y exercer en commun l’exercice de leur profession respective.

Une société de toute forme

Rappelons qu’une SPE peut revêtir la forme d’une société d’exercice libéral (Sel), d’une société civile ou d’une société commerciale (SARL, SAS, SA), mais pas celle d’une société conférant à ses membres la qualité de commerçant (société en nom collectif, société en commandite). Elle doit comprendre, parmi les associés, au moins un membre de chacune des professions qu’elle exerce et qui constitue son objet social. L’ensemble du capital et des droits de vote d’une SPE doit être détenu par des personnes physiques exerçant l’une des professions exercées en commun dans la société ou par des sociétés dont le capital et les droits de vote sont détenus en totalité par ces personnes physiques.

Sans entrer dans le détail des dispositions techniques qu’il introduit, le décret récemment paru précise les règles de constitution, de fonctionnement et de liquidation de la SPE (nomination et inscription, obligation d’information des autorités compétentes, cessation d’exercice d’une profession par la société ou par un associé, perte de la qualité d’associé, suspension ou retrait d’agrément, liquidation), les modalités selon lesquelles les professionnels exercent leur activité au sein de la société (contrat conclu avec le cat), la nature des contrôles dont la société fait l’objet par les ordres et les autorités administratives, les contraintes en matière de tenue de la comptabilité et de présentation des comptes et enfin les obligations en termes d’assurance.


Précision : par dérogation à la règle de l’unanimité normalement exigée dans ce cas, la décision des associés d’une société civile professionnelle (SCP) de la transformer en SPE (ou de la faire participer à la constitution d’une SPE) sera prise à la majorité des ¾ des voix (à la majorité des 2/3 pour les sociétés d’avocats à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat), combinées, dans le cas d’une société d’huissiers de justice, à une condition de part du capital détenue.


Décret n° 2017-794 du 5 mai 2017, JO du 7


Décret n° 2017-795 du 5 mai 2017, JO du 7


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EIRL : les créanciers concernés par la séparation des patrimoines

L’entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne dispose plus de la faculté de rendre la déclaration d’affectation opposable aux créanciers antérieurs à son dépôt.

Pour protéger ses biens personnels, tout entrepreneur individuel a la possibilité de constituer une entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL). En effet, cette forme d’entreprise a pour objet de lui permettre d’affecter à son activité professionnelle un certain nombre de biens qu’il sépare ainsi de son patrimoine privé. L’intérêt : ses créanciers professionnels ne peuvent plus agir que sur ces biens affectés. Les biens personnels de l’entrepreneur étant donc, quant à eux, à l’abri des poursuites de ces derniers.


Précision : ce patrimoine, dit « d’affectation », doit être composé au minimum des biens « nécessaires » à l’exercice de l’activité (local, machines, outillage…). Sachant que l’entrepreneur qui souhaite rassurer ses créanciers peut aussi y inclure d’autres biens qui sont simplement « utiles » à cette activité (par exemple, un véhicule personnel utilisé également pour des déplacements professionnels).

Pour opter en faveur de ce statut, l’entrepreneur doit simplement déposer au registre de publicité légale dont il relève (RCS, répertoire des métiers…) une déclaration comportant un état descriptif des biens qu’il intègre dans le patrimoine d’affectation et la valeur de ces biens.


Nouveauté : la séparation des patrimoines personnel et professionnel, opérée par l’entrepreneur qui adopte le statut d’EIRL, ne concerne désormais que les seuls créanciers dont la créance est née postérieurement à la déclaration d’affectation. Jusqu’à présent, l’EIRL avait la faculté de rendre l’affectation des biens à son activité professionnelle opposable également aux créanciers dont la créance était née avant le dépôt de cette déclaration. Rarement utilisée, cette faculté vient d’être supprimée.


Art. 128, loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, JO du 10


Art. 7, décret n° 2017-630 du 25 avril 2017, JO du 27


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