La rupture brutale d’une relation commerciale établie

Une entreprise qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans donner un préavis écrit d’une durée tenant compte de celle de la relation commerciale engage sa responsabilité et s’oblige à réparer le préjudice qu’elle cause à la victime de la rupture. Explications.

Le champ d’application de la réglementation

Le contentieux de la rupture de relation commerciale établie est très abondant. En effet, le champ d’application de l’article du Code de commerce (art. L. 442-1-II) qui pose la règle applicable en la matière est très large, tant au niveau des personnes concernées que de la notion de relation commerciale établie.

Les personnes concernées

L’auteur de la rupture peut être un producteur, un industriel, un distributeur, un commerçant ou un artisan. Ne sont pas visées, en revanche, les personnes morales relevant du droit civil ou du droit public et donc, notamment, les sociétés civiles immobilières (SCI), les collectivités territoriales ou encore les personnes physiques n’exerçant pas une profession commerciale ou artisanale, tels que, par exemple, les professionnels libéraux.


À noter : ces catégories de personnes peuvent tout de même voir leur responsabilité engagée au titre d’une rupture brutale de relation dont elles seraient les auteurs. Simplement, cette responsabilité ne sera pas assise sur le dispositif spécifique de l’article L. 442-1-II du Code de commerce, mais sur le droit commun de la responsabilité civile (contractuelle ou extracontractuelle selon les cas).

Quant au champ des victimes susceptibles d’être concernées, il est encore plus large, les tribunaux considérant que le statut juridique de la victime de la rupture brutale est, en principe, indifférent. Ainsi, une association, une SCI ou un professionnel libéral peuvent, en invoquant les dispositions de l’article L. 442-1-II, solliciter la réparation du préjudice que leur cause la rupture brutale d’une relation commerciale établie. La Cour de cassation a eu l’occasion cependant de préciser que le dispositif de l’article L. 442-1-II du Code de commerce ne pouvait être invoqué par les agents commerciaux dès lors que cette catégorie professionnelle bénéficiait d’un cadre légal spécifique.

La victime peut aussi être une victime par ricochet : par exemple, un sous-traitant touché par la rupture brutale des relations commerciales subie par son donneur d’ordre.

La notion de relation commerciale établie

Sont concernées toutes les relations commerciales, qu’elles portent sur la fourniture d’un produit ou d’une prestation de services. Et peu importe la forme de cette relation, notamment qu’elle repose ou non sur un contrat. La notion de relation commerciale dépasse en effet celle de relation contractuelle. Un simple courant d’affaires non formalisé peut donc constituer une relation commerciale établie. A fortiori, l’existence d’une relation commerciale établie peut résulter d’une succession, sur plusieurs années, de contrats à durée déterminée (même de courte durée) ou d’un enchaînement, entre deux mêmes partenaires, de contrats de nature juridique différente avec des conditions différentes.

Sachant que pour être qualifiée de relation commerciale établie, la relation doit être régulière, significative et stable. Il faut que la continuité des relations d’affaires précédemment entretenues ait pu raisonnablement autoriser la victime de la rupture à considérer que ces relations allaient se poursuivre avec la même stabilité dans le futur.

Si la relation doit être significative, il n’est pas exigé, en revanche, qu’elle se caractérise par un important volume d’affaires.

Le caractère brutal de la rupture

L’entreprise victime de la rupture peut mettre en cause la responsabilité de son partenaire commercial lorsque cette rupture a été « brutale ».

Une rupture de la relation commerciale

La rupture de la relation commerciale peut bien sûr résulter de la résiliation unilatérale d’un contrat à durée indéterminée ou déterminée mais aussi du non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée arrivé à son terme si, du moins, le renouvellement était envisageable. Tel n’est pas le cas lorsque le contrat excluait toute reconduction.

La rupture peut également se déduire de la modification par l’un des partenaires des conditions de la relation commerciale, si toutefois cette modification est substantielle. Tel est le cas par exemple :

– d’une diminution significative de la marge accordée jusque-là à un grossiste ;

– de l’augmentation par un fournisseur de ses tarifs et de ses conditions de règlement ;

– d’une baisse significative du volume des commandes.

La rupture peut être totale ou partielle. Constitue, par exemple, une rupture partielle des relations commerciales le déréférencement par un distributeur de certains des produits dont il s’approvisionnait auprès d’un fournisseur ou encore une baisse significative du volume de commandes ou du chiffre d’affaires.

Une rupture brutale

Pour que la rupture soit qualifiée de « brutale », il faut qu’elle ait été précédée d’un préavis d’une durée insuffisante.

À ce titre, l’article L. 442-1-II du Code de commerce n’impose aucun formalisme particulier pour le préavis. Notamment, il n’est pas exigé que le préavis soit notifié par un courrier recommandé avec demande d’avis de réception. Il suffit qu’il y ait un écrit qui peut être un simple e-mail.

Il n’est pas non plus exigé un écrit notifiant spécifiquement le préavis. Ainsi, par exemple, les tribunaux ont pu considérer que l’annonce de nouveaux tarifs ou de conditions de vente substantiellement modifiées, l’émission d’un appel d’offres ou encore l’annonce de la création d’une filiale ayant pour activité celle du partenaire valait notification du préavis.

Quant à la durée de préavis, elle doit tenir compte de la durée de la relation commerciale.


Précision : le cas échéant, cette durée doit également respecter la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce ou par des accords interprofessionnels.

En pratique, la juste durée du préavis est appréciée au cas par cas par le juge. L’article L. 442-1-II du Code de commerce ne pose qu’un seul critère d’appréciation du caractère raisonnable du préavis : celui de l’ancienneté de la relation. Cependant, en pratique, les tribunaux ont également tendance à tenir compte de la nature de la relation commerciale. Notamment, un rapport de dépendance économique entre les partenaires ou une obligation d’exclusivité peuvent justifier un préavis plus long. Ceci explique qu’en la matière, il soit difficile de dégager des solutions générales.


Important : en toute hypothèse, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut pas être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois au moins.

L’indemnisation du préjudice causé par la rupture brutale

L’auteur d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie doit réparer le préjudice causé par la rupture brutale.


À noter : par exception à la règle posée par l’article L. 442-1-II du Code de commerce, la rupture brutale n’engage pas la responsabilité de son auteur si elle se justifie par la faute grave de celui qui subit la rupture ou par un cas de force majeure.

Ce préjudice est d’abord celui de la marge qui n’a pas pu être réalisée par l’entreprise victime pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. C’est la marge brute qui est le plus souvent retenue mais une indemnisation sur la base de la marge nette a parfois été accordée. En revanche, l’indemnité demandée ne peut correspondre à la perte de chiffre d’affaires.

Il incombe à la victime de la rupture de justifier du montant des dommages et intérêts qu’elle réclame. En pratique, le chiffrage du préjudice est souvent confié – et c’est d’ailleurs recommandé – à un cabinet d’expertise comptable qui est, dans ce cadre, chargé d’établir un rapport permettant de justifier du montant des dommages et intérêts réclamés.

Outre la perte de marge, la victime de la rupture brutale peut également solliciter des dommages et intérêts pour :

– le préjudice moral ou la perte d’image causés par la brutalité de la rupture ;

– les charges de restructuration – et en particulier le coût des licenciements – générées par la brutalité de la rupture.

Et attention, pour être indemnisable, le préjudice doit être causé par la brutalité de la rupture et non juste par la rupture elle-même. Ainsi, notamment, pour être indemnisée du coût des licenciements économiques qu’elle a dû engager, la victime de la rupture ne peut se contenter de dire que ces licenciements sont la conséquence de la rupture de la relation commerciale ; elle doit démontrer en quoi ceux-ci sont dus au caractère brutal de la rupture.

Outre les sanctions sollicitées par la victime de la rupture, l’auteur de la rupture peut également se voir condamner notamment à une amende civile, à la demande du ministère de l’Économie ou du ministère public.


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Entreprises grandes consommatrices d’énergie : vous pouvez demander une aide

Depuis le 4 juillet dernier, les entreprises dont les dépenses de gaz et d’électricité représentent une part élevée de leurs charges peuvent demander une aide financière.

Dans le cadre du plan de résidivce économique et sociale instauré par les pouvoirs publics, les entreprises grandes consommatrices de gaz et d’électricité, qui sont donc très impactées par la hausse des prix de l’énergie provoquée par la guerre en Ukraine, peuvent bénéficier d’une aide financière de l’État. Annoncée il y a quelques mois, cette aide peut être demandée depuis le 4 juillet dernier. Rappel des conditions requises et de la démarche à suivre pour pouvoir y prétendre.

Les entreprises éligibles

Ouverte à tous les secteurs d’activité et quelle que soit la taille de l’entreprise, l’aide s’adresse aux entreprises dont les achats de gaz et/ou d’électricité atteignaient au moins 3 % de leur chiffre d’affaires en 2021 et qui ont subi un doublement du prix d’achat d’électricité et/ou de gaz sur la période allant du 1er mars au 31 août 2022 par rapport à une moyenne de prix sur l’année 2021. Elle concerne également les associations qui sont assujetties aux impôts commerciaux et qui emploient au moins un salarié. Elle a vocation à compenser une partie des surcoûts éligibles.

Le montant de l’aide

Selon les cas, l’aide s’élève à :– 30 % des coûts éligibles, plafonnée à 2 M€, pour les entreprises subissant une baisse d’excédent brut d’exploitation (EBE) de 30 % par rapport à 2021 ou ayant subi des pertes d’exploitation ;– 50 % des coûts éligibles, plafonnée à 25 M€, pour les entreprises dont l’EBE est négatif et dont le montant des pertes est au plus égal à deux fois les coûts éligibles. L’aide étant limitée à 80 % du montant des pertes ;– 70 % des coûts éligibles, plafonnée à 50 M€, pour les entreprises qui respectent les critères ci-dessus et qui exercent leur activité principale dans l’un des secteurs les plus exposés à la concurrence internationale (secteurs listés en annexe du

décret du 1

er

 juillet 2022

). L’aide étant également limitée à 80 % du montant des pertes.

Les critères d’éligibilité liés aux dépenses de gaz et d’électricité, à l’EBE et aux coûts éligibles doivent être vérifiés et calculés par l’expert-comptable ou le commissaire aux comptes de l’entreprise.


Précision : s’agissant des entreprises qui font partie d’un groupe, le montant des plafonds d’aide indiqués ci-dessus est évalué à l’échelle du groupe.

La demande pour obtenir l’aide

Le dispositif est ouvert depuis le 4 juillet dernier. Les entreprises concernées peuvent donc demander l’aide au titre de la première période éligible trimestrielle, à savoir mars-avril-mai, à compter de cette date et pendant un délai de 45 jours, soit jusqu’au 17 août inclus. En pratique, les demandes, accompagnées d’un certain nombre de pièces justificatives (déclaration sur l’honneur de l’entreprise, attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes, factures d’énergie, fiches de calcul de l’EBE et de l’aide, RIB), doivent être déposées via l’espace professionnel de l’entreprise sur

le site www.impots.gouv.fr

.

La procédure de dépôt des demandes au titre de la seconde période éligible (juin-juillet-août) sera, quant à elle, ouverte à compter du 15 septembre 2022 pour une durée de 45 jours, soit jusqu’au 30 octobre.


Décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022, JO du 2


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Résiliation d’un bail rural pour cause d’arrachage d’une haie

L’exploitant locataire qui a arraché une haie bordant une parcelle louée et retourné une autre parcelle encourt la résiliation de son bail rural pour avoir commis des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds loué.

L’exploitant locataire qui commet des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds loué encourt la résiliation de son bail rural.

À ce titre, dans une affaire récente, les juges ont considéré que l’arrachage par le locataire – plus exactement par l’exploitant avec lequel il avait procédé à un échange de parcelles – d’une haie vive bordant une parcelle louée et le retournement par ce dernier d’une pâture mise à sa disposition constituaient des agissements ayant compromis la bonne exploitation du fonds « tel qu’il avait été loué ». En effet, ils ont constaté que la disparition de la haie compromettait le maintien de la faune présente sur le site et que le retournement de la pâture ouvrait potentiellement la voie à des inondations plus fréquentes.


Rappel : le locataire répond personnellement des travaux réalisés par son co-échangiste à l’égard du bailleur.

Des raisons environnementales

Il résulte de cette décision de justice que la résiliation d’un bail rural peut désormais être prononcée pour des raisons environnementales, et non plus seulement culturales comme c’était le cas jusqu’alors (même si les juges avaient déjà amorcé cette tendance). Du coup, les agriculteurs ont tout intérêt à éviter de procéder à une quelconque modification du fonds loué, quand bien même cette modification serait propice à une meilleure exploitation. En l’occurrence, l’arrachage d’une haie entre deux parcelles cultivées par le même agriculteur est, en principe, de nature à faciliter leur exploitation et n’est donc pas économiquement préjudiciable pour le fonds loué…


Cassation civile 3e, 17 novembre 2021, n° 20-10934


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Le taux de l’intérêt légal pour le second semestre 2022

Au 2 semestre 2022, le taux de l’intérêt légal s’établit à 0,77 % pour les créances dues aux professionnels.

Pour le 2e semestre 2022, le taux de l’intérêt légal est fixé à :– 3,15 % pour les créances dues aux particuliers (3,13 % au 1er semestre 2022) ;– 0,77 % pour les créances dues aux professionnels (0,76 % au 1er semestre 2022).


Rappel : depuis quelques années, deux taux de l’intérêt légal coexistent : l’un pour les créances dues à des particuliers (plus précisément à des personnes physiques qui n’agissent pas pour des besoins professionnels), l’autre pour tous les autres cas, donc pour les créances dues à des professionnels. En outre, ces taux sont désormais actualisés chaque semestre, et non plus chaque année.

Ce taux sert à calculer, en l’absence de stipulations conventionnelles, les intérêts de retard dus en cas d’impayé par un débiteur après qu’il a été mis en demeure.

Il sert aussi à déterminer le taux minimal des pénalités applicables entre professionnels en cas de retard de paiement d’une facture. Ce dernier taux, qui doit être mentionné dans les conditions générales de vente, ne peut pas être inférieur à 3 fois le taux de l’intérêt légal, soit à 2,31 % à partir du 1er juillet 2022.


Arrêté du 27 juin 2022, JO du 2 juillet


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Achat de parts sociales : l’emprunteur est-il un consommateur ?

La personne qui souscrit un prêt pour financer l’acquisition de parts sociales peut être considérée comme un consommateur si bien que l’action dirigée contre elle par la banque est prescrite au bout de deux ans.

L’action des professionnels pour les biens et les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit dans un délai de deux ans. En revanche, entre professionnels, la prescription est celle de droit commun, à savoir cinq ans.

À ce titre, la question s’est récemment posée en justice de savoir si une personne qui souscrit un prêt pour financer l’acquisition de parts sociales a la qualité de consommateur.


Rappel : le consommateur est défini par la loi comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

Dans cette affaire, les juges ont estimé que la personne physique qui souscrit un prêt destiné à financer l’acquisition de parts sociales ne perd la qualité de consommateur que si elle agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle. Et que l’acquisition de parts sociales ne suffit pas, à elle seule, à exclure cette qualité.

Du coup, l’emprunteur a valablement pu invoquer la prescription de deux ans à l’encontre de la banque qui lui avait consenti le prêt et qui l’avait poursuivi en justice pour obtenir le règlement d’échéances impayées.


Cassation civile 1re, 20 avril 2022, n° 20-19043


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Droit de préemption de la Safer en cas de cession de parts sociales

J’envisage de céder les parts sociales que je détiens dans une EARL. Cette opération est-elle soumise au droit de préemption de la Safer ?

Si la cession envisagée ne porte pas sur la totalité des parts que vous détenez dans la société, ou si elle porte sur la totalité de vos parts mais pas sur la totalité des parts de la société car vous n’êtes pas le seul associé, elle n’est pas soumise au droit de préemption de la Safer. Cette dernière devra simplement être informée de l’opération. En revanche, en cas de cession de l’intégralité des parts de l’EARL, la Safer pourra préempter, sauf si la cession est effectuée au profit d’un membre de votre famille.


À noter : la prise de contrôle, via l’acquisition de parts sociales ou d’actions, d’une société possédant ou exploitant des terres à usage ou à vocation agricole par une personne physique ou par une autre société qui détient déjà des terres agricoles au-delà d’une certaine superficie sera prochainement soumise à une autorisation du préfet du département concerné. Il en sera de même lorsque la superficie totale détenue par cette personne ou par cette société viendra à excéder ce seuil à l’issue de la prise de contrôle. Le seuil à partir duquel l’autorisation sera requise sera fixé par le préfet de région.


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Entrepreneurs individuels : que faire en cas de difficultés ?

Lorsqu’un entrepreneur individuel est en difficulté et ne parvient plus à faire face à ses dettes, il doit saisir le tribunal en distinguant ses biens, droits et obligations qui relèvent de son patrimoine personnel de ceux qui relèvent de son patrimoine professionnel.

Depuis le 15 mai dernier, les entrepreneurs individuels relèvent d’un statut unique qui se caractérise par la séparation de leur patrimoine en deux patrimoines distincts. Ainsi, ils disposent désormais d’un patrimoine professionnel, qui est composé des biens « utiles » à leur activité, et d’un patrimoine personnel, qui est composé des autres biens.

Gros avantage de ce nouveau statut : sauf quelques exceptions, seuls les biens composant le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel sont exposés aux poursuites de ses créanciers professionnels. Ses autres biens (donc ceux compris dans son patrimoine personnel, à savoir une résidence, des actifs mobiliers, une voiture…) sont, quant à eux, à l’abri des convoitises de ces derniers.

Cette protection vaut aussi en cas de mise en redressement ou en liquidation judiciaire. En effet, dans ce cas, les biens personnels de l’entrepreneur ne pourront pas être vendus par le liquidateur judiciaire en vue de régler le passif de l’entreprise.

Saisir le tribunal

En pratique, lorsqu’un entrepreneur individuel connaît des difficultés financières et ne parvient plus à régler ses dettes, il doit, que ces dettes soient personnelles ou professionnelles, saisir le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire, selon sa profession, et lui transmettre un certain nombre de documents, notamment la situation de sa trésorerie, le montant de ses créances et de ses dettes, les sûretés qu’il a éventuellement consenties, les biens, droits et obligations relevant de chacun de ses deux patrimoines (professionnel et personnel) ainsi que, le cas échéant, les actes de renonciation à la protection de son patrimoine personnel qu’il a souscrits à l’égard de tel ou tel créancier professionnel.

Le tribunal procèdera alors de la manière suivante. Lorsque l’entrepreneur individuel sera en état de cessation des paiements seulement sur son patrimoine professionnel, il ouvrira une procédure collective. Lorsque les dettes ne concerneront que son patrimoine personnel, le tribunal renverra le dossier vers la commission du surendettement. Enfin, dernière hypothèse, lorsque les dettes concerneront tant son patrimoine personnel que son patrimoine professionnel, que la distinction de ses patrimoines professionnel et personnel aura été strictement respectée, et que le droit de gage de ses créanciers professionnels ne portera pas sur son patrimoine personnel, le tribunal pourra ouvrir une procédure collective pour le traitement de ses dettes concernant son patrimoine professionnel et saisir la commission de surendettement pour ses dettes concernant son patrimoine personnel.


Précision : pour bénéficier de la procédure de surendettement, l’entrepreneur devra le demander soit au moment de la saisine du tribunal, soit au cours de l’audience devant le tribunal. Si le tribunal décide de transmettre le dossier à la commission de surendettement, les créanciers signalés par l’entrepreneur en seront informés.


Décret n° 2022-890 du 14 juin 2022, JO du 16


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Vote par correspondance lors d’une assemblée générale associative

Cette année, pour élire les membres du conseil d’administration de notre association, nous souhaitons remplacer le vote en assemblée générale par un vote par correspondance. En avons-nous la possibilité même si les statuts de notre association ne le prévoient pas ?

Si les statuts de votre association sont muets sur cette modalité de vote, vous ne pouvez pas l’organiser.

En effet, le vote par correspondance ne peut être utilisé en assemblée générale que si les statuts de l’association le prévoient. Le vote par correspondance organisé alors que vos statuts associatifs ne l’autorisent pas court le risque d’être contesté et annulé en justice.

Il vous faut modifier vos statuts si vous souhaitez recourir à cette modalité de vote.


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Représentation d’intérêts : une extension aux responsables publics locaux

Les associations entrant en contact avec des responsables publics prenant des décisions à un échelon local seront considérées comme des représentants d’intérêts à compter du 1 juillet 2022.

Les associations qui œuvrent en tant que représentants d’intérêts doivent s’inscrire sur le répertoire numérique géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ce répertoire, consultable sur le site

www.hatvp.fr

, vise à informer les citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics.


À savoir : 2 459 structures, dont 19,6 % d’associations, étaient inscrites, mi-juin, sur ce répertoire.

Une association est un représentant d’intérêts lorsque l’activité d’un de ses dirigeants, de ses salariés ou de ses membres consiste, de façon principale ou régulière, à entrer en communication, à son initiative, avec des responsables publics nationaux (membres du gouvernement et des cabinets ministériels, députés, sénateurs, directeur général du Défenseur des droits, de la Haute Autorité de santé, de la Cnil…) afin d’influer sur des décisions publiques en projet ou en vigueur, générales ou individuelles (lois, décrets, contrats de concession, marchés publics, décisions individuelles ayant pour objet la délivrance, la modification, le retrait ou le renouvellement d’un agrément ou d’une autorisation…).

À compter du 1er juillet 2022, seront également considérées comme des représentants d’intérêts les associations entrant en contact avec des responsables publics prenant des décisions à un échelon local : présidents et membres des conseils régionaux ou départementaux, président du conseil de la métropole de Lyon, maires et adjoints au maire d’une commune de plus de 100 000 habitants, etc.


Rappel : tous les ans, les associations inscrites sur le répertoire de l’HATVP et dont la date de clôture d’exercice est le 31 décembre doivent déclarer, avant le 31 mars suivant, les actions de représentation d’intérêts conduites l’année précédente, ainsi que les moyens alloués à ces actions.


Art. 25, loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, JO du 10


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Société civile immobilière : les pièges à éviter

La société civile immobilière (SCI) connaît un certain succès tant chez les particuliers que chez les professionnels. Un succès qui s’explique en partie par sa relative souplesse, permettant de répondre à différentes problématiques patrimoniales. Pour autant, la société civile immobilière n’est pas toujours une solution miracle et peut même se révéler contre-productive si elle n’est pas employée correctement. Voici un panorama des principaux pièges à éviter lorsque l’on décide de mettre en place une telle structure.

S’en remettre à des statuts types Des statuts standards ne peuvent pas convenir à tous les types de sociétés civiles.

La rédaction des statuts est une étape importante dans la constitution d’une société civile immobilière. C’est, en effet, l’acte fondateur qui va permettre de déterminer les modalités de son fonctionnement.

Pourtant, il n’est pas rare que des statuts types, trouvés sur internet, soient utilisés. Des modèles génériques qui n’ont pas vocation à s’adapter à toutes les situations, et notamment aux opérations patrimoniales complexes.

Seul le recours à des statuts sur-mesure offre cette souplesse en permettant, par exemple, d’intégrer une clause d’agrément pour contrôler l’arrivée de nouveaux associés ou encore de délimiter strictement les conditions de nomination et les pouvoirs du gérant. Il est donc recommandé de faire appel au Cabinet pour rédiger un « contrat de société » conforme aux objectifs fixés par les associés.

Négliger la rédaction de l’objet social La rédaction de l’objet social d’une SCI doit faire l’objet d’un soin particulier. Mal rédigé, il peut empêcher de réaliser certaines opérations.

La clause des statuts déterminant l’objet social de la société civile immobilière revêt une grande importance puisque c’est elle qui fixe la raison d’être de la société. Rédigée de façon trop restrictive, elle peut empêcher de réaliser certaines opérations.

Ainsi, par exemple, si l’objet social vise l’acquisition et la détention d’un immeuble identifié, la société civile immobilière encourt la dissolution au moment de la revente du bien.

À l’inverse, rédigée de façon trop large, la clause peut faire perdre certains droits aux associés.

Typiquement, en optant pour un objet social étendu tel que « acquérir, administrer et gérer des immeubles », la société civile immobilière sera considérée comme un acteur professionnel du marché et perdra ainsi le bénéfice du droit de rétractation réservé aux acquéreurs non professionnels d’immeubles à usage d’habitation.

Laisser la SCI « vivoter » Les associés de la SCI doivent réaliser différentes formalités tout au long de l’existence de la SCI.

Bien qu’étant une simple structure destinée à loger une partie d’un patrimoine, la société civile immobilière est une société à part entière. Ce qui signifie qu’il faut respecter un certain formalisme lors de sa création, mais aussi régulièrement, tout au long de son existence.

Il convient donc, d’une part, de déposer les différentes déclarations fiscales et, d’autre part, de convoquer chaque année au moins une assemblée générale.

Sur ce dernier point, l’établissement d’une feuille de présence et d’un procès-verbal d’assemblée est essentiel pour prouver que ces formalités ont été accomplies. Des documents qui doivent, par ailleurs, être signés par l’ensemble des associés.

Réaliser des prestations de location meublée Certaines activités de la SCI peuvent contraindre cette dernière à se voir imposer un régime fiscal.

L’objet social de votre société civile peut évidemment consister à louer un logement dans le but de dégager des revenus fonciers. Mais attention, si vous choisissez la formule de la location meublée, sachez que la société civile immobilière sera soumise d’office à l’impôt sur les sociétés (IS). En effet, fiscalement parlant, la location meublée est considérée comme une activité commerciale.

Étant précisé que les dividendes que la société vous versera ensuite seront soumis à l’impôt sur le revenu selon votre taux marginal d’imposition. Un régime fiscal qui peut être pénalisant dans certains cas.

Créer une structure pour plusieurs biens En présence de plusieurs biens immobiliers (de nature différente notamment), il peut être opportun de créer plusieurs SCI.

Souvent, une seule enveloppe juridique est créée afin d’y loger plusieurs biens immobiliers. Des biens qui peuvent d’ailleurs avoir des usages très différents (immeuble locatif, immeuble de bureaux, résidence principale, par exemple). Cette solution peut être pénalisante, notamment en cas de vente. En effet, il peut être difficile de trouver un acheteur intéressé par l’ensemble des actifs. Dans certains cas, mieux vaut créer une société par type de bien immobilier. Ce qui permet la mise en place d’une gestion individuelle et de procéder plus facilement à des arbitrages. Attention toutefois, le coût de constitution et de gestion des différentes structures est, en toute logique, plus élevé. En outre, cette formule demande un investissement en temps plus important.


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